Effets du réentraînement à l’effort sur la fonction cérébro-vasculaire et les troubles cognitifs chez l’insuffisant cardiaque

Vincent GREMEAUX , Praticien hospitalier

En collaboration avec Jean-Marie Casillas (1), Mathieu Gayda (2), Anil Nigam (2) et Martin Juneau (2)
(1) Pôle Rééducation-Réadaptation CHU Dijon
(2) Institut de Cardiologie de Montréal

Justification de l’étude

L’insuffisance cardiaque chronique (ICC) est une pathologie extrêmement fréquente [1], dont la prévalence s’accroît avec le vieillissement de la population et l’incidence des patologies cardiaques ischémiques [2]. Les principaux symptômes de l’ICC sont la dyspnée et l’asthénie qui sont les manifestations de l’intolérance à l’effort, dont les causes sont multiples. Les nouvelles recommandations insistent sur le réentraînement à l’effort dont les bénéfices sont désormais clairement démontrés [3, 4]. Plus récemment, des travaux ont attirés l’attention vers une autre déficience fréquemment observée chez les patients souffrant d’ICC: les troubles cognitifs [5-7]. Deux principaux mécanismes explicatifs sont actuellement avancés pour ces troubles : l’hypoperfusion cérébrale et les embols cardiogéniques multiples. Plusieurs travaux ont établit des corrélations entre les troubles cognitifs observés et les données de neuro-imagerie. A côté de ces éléments, certains travaux évoquent le rôle potentiel d’une altération de la réactivité cérébrovasculaire et de l’oxygénation cérébrale à l’effort dans la genèse de ces troubles chez les ICC. Ces éléments sont depuis quelques années largement étudiés chez le sujet sain par la spectroscopie dans le proche infrarouge (NIRS pour Near Infrared Spectroscopy) et montrent une augmentation de l’oxygénation cérébrale au cours d’exercices d’intensité moyenne et élevée [8-12]. Par ailleurs il semble que l’activité physique régulière permette d’améliorer certaines performances cognitives chez les sujets sains [13]. A l’inverse, il semble exister chez les sujets porteurs de pathologies chroniques une diminution de l’oxygénation cérébrale à l’effort [14, 15]. L’altération chronique de l’oxygénation cérébrale pourrait aboutir à un dysfonctionnement cognitif chez ces patients, ou altérer leur activité et qualité de vie.

Buts de l’étude

  1. La reproductibilité de la mesure de la réactivité cérébro-vasculaire par la NIRS au cours d’une épreuve de breath holding chez des sujets insuffisants cardiaques.
  2. Les corrélations entre les troubles cognitifs et les altérations de la réactivité cérébro-vasculaire.
  3. Les effets potentiellement bénéfiques de l’activité physique régulière sur cette oxygénation cérébrale et les troubles cognitifs observés dans l’ICC en utilisant la NIRS, technique simple, non invasive et fiable.

Méthode

Seront inclus des patients présentant une insuffisance cardiaque chronique stable (FEVG <45% par technique échographique de Simpson), avec absence de décompensation dans le mois qui précède l’inclusion dans l’étude, de classe fonctionnelle de dyspnée de la New York Heart Association (NYHA) II et III. Les patients présentant les classiques contre-indications au réentraînement à l’effort, ou d’autres déficiences prédominantes dans la limitation fonctionnelle, seront exclus.

  • Vingt sujets réaliseront à 2 reprises un test de breath holding avec mesure de l’oxygénation cérébrale par NIRS. Le critère étudié sera le breath holding index. 
  • Une évaluation neuropsychologique sera réalisée chez 20 sujets, puis la réactivité cérébro- vasculaire sera mesurée au cours d’un breath holding test et d’une épreuve d’effort triangulaire sur ergocycle. L’evaluation neuro-psychologique comportera : une évaluation globale par le MMS, une évaluation des troubles de l’attention et de la flexibilité mentale (Stroop test), une évaluation des fonctions exécutives (trail making test), une évaluation des troubles mnésiques, une évaluation des troubles de l’humeur (score HAD)
  • Trente patients bénéficieront d’un programme de réentraînement à l’effort personnalisé, sur les bases d’une épreuve d’effort triangulaire préalable. Ils seront aléatoirement répartis entre un groupe pratiquant un réentraînement continu, ou un travail de type intervall-training. Seront mesurés avant et après cette période de réentraînement : les capacités d’effort (VO2, puissance maximale développée, FC max, TA) ; les troubles cognitifs (MMS, Stroop Test, trail making test) ; la réactivité cérébro-vasculaire au cours de l’épreuve d’effort. Un sous groupe de patients bénéficiera d’une mesure de l’oxygénation cérébrale au cours des séances d’entraînement pour évaluer le retentissement aigu de l’activité physique sur la réactivité cérébro-vasculaire. Un groupe témoin de 10 sujets non réentraînés bénéficiera des mêmes évaluations.

Bénéfices attendus

Ce travail devrait permettre de mieux comprendre les mécanismes physiopathologiques impliqués 1) dans la genèse des troubles cognitifs chez l’ICC 2) dans l’amélioration potentielle de ces troubles par le réentraînement à l’effort. La comparaison de différentes modalités d’entraînement devrait permettre de mieux individualiser les programmes de réentraînement de ces patients afin d’optimiser l’amélioration de la qualité de vie.

Références

1. Redfield, M.M., et al., Burden of systolic and diastolic ventricular dysfunction in the community: appreciating the scope of the heart failure epidemic. Jama, 2003. 289(2): p. 194-202.
2. Lloyd-Jones, D.M., et al., Lifetime risk for developing congestive heart failure: the Framingham Heart Study. Circulation, 2002. 106(24): p. 3068-72.
3. Lloyd-Williams, F., F.S. Mair, and M. Leitner, Exercise training and heart failure: a systematic review of current evidence. Br J Gen Pract, 2002. 52(474): p. 47-55.
4. Piepoli, M.F., et al., Exercise training meta-analysis of trials in patients with chronic heart failure (ExTraMATCH). Bmj, 2004. 328(7433): p. 189.
5. Pressler, S.J., Cognitive functioning and chronic heart failure: a review of the literature (2002-July 2007). J Cardiovasc Nurs, 2008. 23(3): p. 239-49.
6. Vogels, R.L., et al., Profile of cognitive impairment in chronic heart failure. J Am Geriatr Soc, 2007. 55(11): p. 1764-70.
7. Vogels, R.L., et al., Cognitive impairment in heart failure: a systematic review of the literature. Eur J Heart Fail, 2007. 9(5): p. 440-9.
8. Bhambhani, Y., R. Malik, and S. Mookerjee, Cerebral oxygenation declines at exercise intensities above the respiratory compensation threshold. Respir Physiol Neurobiol, 2007. 156(2): p. 196-202.
9. Shibuya, K., et al., Cerebral cortex activity during supramaximal exhaustive exercise. J Sports Med Phys Fitness, 2004. 44(2): p. 215-9.
10. Subudhi, A.W., A.C. Dimmen, and R.C. Roach, Effects of acute hypoxia on cerebral and muscle oxygenation during incremental exercise. J Appl Physiol, 2007. 103(1): p. 177-83.
11. Suzuki, M., et al., Prefrontal and premotor cortices are involved in adapting walking and running speed on the treadmill: an optical imaging study. Neuroimage, 2004. 23(3): p. 1020-6.
12. Timinkul, A., et al., Enhancing effect of cerebral blood volume by mild exercise in healthy young men: a near-infrared spectroscopy study. Neurosci Res, 2008. 61(3): p. 242-8.
13. Harada, T., S. Okagawa, and K. Kubota, Jogging improved performance of a behavioral branching task: implications for prefrontal activation. Neurosci Res, 2004. 49(3): p. 325-37.
14. Koike, A., et al., Cerebral oxygenation during exercise and exercise recovery in patients with idiopathic dilated cardiomyopathy. Am J Cardiol, 2004. 94(6): p. 821-4.
15. Koike, A., et al., Critical level of cerebral oxygenation during exercise in patients with left ventricular dysfunction. Circ J, 2006. 70(11): p. 1457-61.